DES ANDROÏDES ET DES HOMMES

« Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » est un roman de science-fiction publié pour la première fois en 1968. Il a été écrit par Philip K. Dick.

Dans ce roman, on suit Rick Deckard, un chasseur d'androïdes. L'intrigue est censée avoir lieu au début des années 1990, mais nous savons maintenant que c'est un monde bien plus futuriste qui est dépeint.

Le monde après un conflit nucléaire

Après une guerre nucléaire dévastatrice, la terre est désormais recouverte de poussière radioactive. La quasi-totalité de la population a migré vers les colonies spatiales comme Mars. Là-bas, chacun a le droit à son esclave androïde, une réplique quasi parfaite d'un humain.

Les rares individus restés sur terre peuvent à tout moment être déclarés « spéciaux ». Cela signifie que leur patrimoine génétique aurait dégénéré à cause de la poussière radioactive, et qu'on leur interdirait d'avoir une descendance. « Émigrez ou dégénérez ! » est une phrase tirée du livre. On comprend que c'est un argument de poids pour inciter les derniers récalcitrants à quitter la terre.

Chasseur d'androïdes, une vocation ?

Rick, lui, travaille sur Terre et ne peut donc pas émigrer. Son job est de trouver des androïdes qui se seraient échappés des colonies pour venir sur Terre. Ensuite, il les élimine. Rick est plutôt blasé par son travail, c'est une routine.

Mais lorsque Holden, le meilleur chasseur d'androïdes du département de Police de San Francisco, est envoyé à l'hôpital par un androïde, Rick va saisir sa chance. Il va reprendre la mission de Holden dans l'espoir de toucher les primes de mise hors tension de non pas un androïde, mais six. Seulement, cela va lui demander de se surpasser, et remettre en question bien des aspects de sa réalité.

L'empathie, la clé de ce monde altéré

Ce qui différencie les androïdes des humains, c'est leur incapacité à éprouver de l'empathie. Justement, le Voight-Kampff est un test de mesure d'empathie dont Rick se sert pour démasquer les androïdes. Les humains sont d'ailleurs invités à cultiver leur empathie. Ils ont pour cela deux moyens que nous allons voir ci-dessous.

Le mercerisme

D'abord via la boîte à empathie, où ils peuvent se connecter à un personnage mythique, Wilbur Mercer. Mercer doit grimper une côte sans fin alors qu'il reçoit des pierres, à l'image d'un martyr. De cette façon, les adeptes du mercerisme partagent sa souffrance et augmentent leur capacité d'empathie.

Rick est amené à se poser beaucoup de questions existentielles, comme en témoigne cet extrait pages 160-161.

— Il y a une anomalie dans vos réactions empathiques. Quelque chose pour lequel nous n'avons pas de test. Vos sentiments à l'égard des androïdes.
— Bien sûr qu'il n'y a pas de test pour ça.
— On devrait peut-être en concevoir un.
Rick n'y avait jamais songé auparavant. Jamais lui-même n'avait ressenti la moindre empathie pour les androïdes qu'il tuait. Il avait toujours présumé que son inconscient percevait un androïde comme une machine intelligente – de la même manière que sa conscience. Et pourtant, à l'inverse de Phil Resch, les deux avaient fini par diverger. Et il sentait instinctivement qu'il était dans le vrai.
De l'empathie pour une construction artificielle ? Pour quelque chose qui fait seulement semblant de vivre ? Mais Luba Luft lui avait paru parfaitement vivante, sans la moindre trace de simulation.

Les moutons, électriques ou non

Ensuite, en étant l'heureux propriétaire d'un animal. En fait, les animaux ont quasiment tous disparus, et les rares espèces restantes coûtent extrêmement cher. Un catalogue, le Sydney, référence chaque mois les différents animaux disponibles à la vente et leur prix. Pour les plus modestes désireux de faire bonne figure, une réplique électrique quasi parfaite d'animal peut être achetée à bas prix.

Au début du roman, Rick possède un mouton électrique, d'où le titre du livre. Cependant, il possédait un véritable mouton avant, qui est tombé malade.

Puis, grâce aux primes touchées pour avoir retiré six androïdes, il s'achète une véritable chèvre. Celle-ci est ensuite tuée par Rachel Rosen, une androïde. Finalement, il trouve un crapaud électrique dans un endroit désert et décide de le garder.

Si je pouvais avoir un nouveau coup de chance dans mon boulot. Comme il y a deux ans, quand j'ai réussi à épingler quatre andros en un mois. Si à ce moment-là j'avais su que Groucho allait mourir… Mais c'était avant le tétanos. Avant ces quelques centimètres de ferraille pointue comme une aiguille hypodermique. […]
La prime pour le retrait de cinq andros ferait l'affaire, se rendit-il alors compte. Mille dollars par tête, en plus de mon salaire. Je n'aurai plus ensuite qu'à trouver quelqu'un disposé à me vendre ce que je veux. Même si le prix figure en italique dans le Sydney. Cinq mille dollars – mais il faudrait d'abord que cinq androïdes se décident à arriver sur terre depuis l'une des colonies ; et ça, ça ne dépend pas de moi.
Et quand bien même je pourrais les faire venir, il y a d'autres chasseurs de primes, d'autres services de police à travers le monde.
Les andros devraient en plus s'installer en Californie du Nord, et le chasseur de primes principal de la zone, Dave Holden, mourir ou prendre sa retraite.

Cet extrait vient de la page 24 du roman. Ici, Rick décrit plus ou moins ce qui va se passer dans la suite du livre, sans le savoir.

La complexité de l'humanité

Finalement, à travers l'aventure de Rick Deckard, ce roman questionne ce qui fait l'humanité. Lorsque de tels androïdes seront parmi nous, un test d'empathie sera-t-il notre dernier recours ?